Tacet

Cela fait quelques années, à présent, que je n’ai pas publié de texte. Non pas que je n’ai pas écrit, même si je reconnais avoir beaucoup moins écrit que d’ordinaire, mais plutôt que j’ai ressenti le besoin de me taire.

Déjà car je me sais bavard et que, passionné, je peux l’être encore plus. Et, comme j’aime aussi beaucoup écouter, observer, j’ai essayé de me concentrer sur le fait d’écouter plus et surtout écouter mieux. Nous avons tous tendance à écouter pour répondre et non pour comprendre. Bien sûr je ne fais pas exception alors je fais attention à mieux comprendre et mieux répondre, moins répondre ou plutôt répondre quand c’est le moment, quand on me demande une réponse, quand on me demande mon avis.

C’est dur d’y arriver continuellement mais avec de l’attention et des efforts c’est très certainement possible.

La clé se trouvant sûrement dans notre façon de gérer nos émotions. Savoir les accueillir mais ne pas se laisser emporter. Rester calme tout en bouillonnant. Cela pourrait-Il nous permettre de mieux nous connaître, mieux nous comprendre ? Cela pourrait-il nous permettre de mieux connaître l’autre, mieux le comprendre et mieux lui communiquer nos émotions, nos idées, nos avis, nos conseils, nos suggestions ?

Se taire pour mieux être présent aux autres, pour prendre moins de place. Se taire pour mieux réfléchir.

Ne dit-on pas qu’il faut toujours tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler ? Sept fois est-ce assez ? Sept fois sept fois, est-ce trop ? À partir de quand se taire devient contreproductif ou pose problème ? Peut-on trop se taire ? Et, en se taisant trop, peut-on finir par se perdre soi-même, perdre les autres, se perdre dans le monde ? Le silence peut-il être plus éloquent que les mots ? Le silence ne pourrait-il pas être parfois l’une des choses les plus précieuses à partager avec quelqu’un ? Il arrive que nous parlions sans cesse car nous avons la crainte que se taire signifie l’ennui: quand nous n’avons rien à nous dire. Mais n’avoir rien à se dire, ne serait-ce pas une jolie chose à partager ? N’est-ce pas la preuve d’une relation profonde quand le silence n’est pas une gêne ? N’aurions-nous pas autant de choses à échanger et apprendre par les mots comme dans le silence ?

Le compositeur John Cage a créé une œuvre intitulée « 4 minutes et 33 secondes de silence ». C’est une œuvre pour piano seul en trois mouvements au cours desquels le musicien n’a aucune note à jouer. N’est alors audible que des choses aléatoires: le bruit de fond d’une salle ou d’une pièce, le bruit d’une soufflerie ou d’une ventilation, le bruit que font les gens etc. Quelqu’un, à propos de cette œuvre, a analysé puis commenté que Cage nous faisait réaliser que la musique était surtout une forme de communication d’une personne à l’autre et que le bruit de fond aléatoire ne peut rien faire pour exprimer ou communiquer des idées et des sentiments. Est-ce vraiment ce que Cage a cherché à nous montrer ?

Le silence ne serait-il pas le pendant naturel et nécessaire de la parole ? C’est à dire que pour mieux digérer ce que l’on vient de dire ou d’entendre, le silence serait nécessaire et permettrait de se préparer à dire à nouveau, entendre à nouveau. Une sinusoïde n’est-elle pas une onde qui oscille du + vers le – en repassant toujours par le point 0 après tout ? Entre deux textes dans un cahier ou 2 chapitres, 2 paragraphes dans un livre, ne laisse-t-on pas machinalement toujours une page blanche, quelques lignes; quelques lignes de silence pour donner de l’air ?

Se taire, ne rien dire, ne rien écrire, n’est pas un abandon, encore moins une fuite. C’est une pause, une récréation, un repos. Un ange passe dans les moments de silence paraît-il.

erwantoutcourt.

(8 septembre 2024)

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