Bic Vert, Bic de Vipère

Et puis voilà que ça recommence.

Sans trop savoir pourquoi, j’ouvre mon cahier, je saisi le premier stylo que la petite poche de mon sac à dos offre à ma main. Peu importe qu’il soit vert et que cela rende cet écrit difficile à lire. En fin de compte, c’est assez cohérent vu les pattes de mouches qui me servent d’écriture.

« Attention à l’écriture ! »

« Copie presque illisible ! »

Voilà ce qui trônait presque toujours en haut de mes copies et devoirs lorsqu’ils me revenaient corrigés.

Tous ces professeurs ne sont plus là pour me le faire remarquer, ni être désobligeants et, quand j’y pense, je crois que je me suis toujours moqué de ces remarques. Avec le recul de ces années supplémentaires qui nous amènent à aujourd’hui, je me dis que leurs remarques étaient inutiles voire même irréfléchies, qu’elles n’étaient que le fruit d’une volonté de simplification de leur travail, ayants pour but une meilleure efficacité, un meilleur rendement ou tout simplement, moins de travail.

C’est ce que notre société moderne a pour fondement: passer chaque chose dans un moule unique afin que cela soit plus facile à trier, empiler, ranger. C’est sans doute un peu triste mais c’est humain. Inconsciemment, on cherche tous à se simplifier la vie, à vouloir améliorer et rendre plus fonctionnelles les choses que l’on fait, les tâches auxquelles on s’emploie. Quand j’y songe, je me dis que l’on peut se simplifier la vie de bien d’autres manières, sans avoir à gommer les traits qui nous sont propres et les coups de crayons que nous faisons dans la marge. Ne perdons pas de vue ce qui nous rend uniques.

Alors, que tu écrives d’une des plus belles manières qui soit, avec des pleins et des déliés, ou bien comme un cochon, continue de le faire car c’est ce que tu es. Et, si ce que tu es, ou bien ce que tu fais, ne convient pas aux autres, et bien, tant pis pour eux. Il y a, ici bas, quelque part, des êtres à qui tu plairas pour tout ce que tu es de fort et de faible, de beau et de laid et qui, s’ils te posent des questions et creusent au fond de toi, le feront pour mieux te connaitre et non pour te changer ni même te manipuler.

Et puis voilà que ça continue, sans trop savoir pourquoi.

Tout barbouiller de vert car c’est la couleur que m’a offert le hasard en cette fin d’après-midi, ce matin de fin de sieste. C’est une couleur que je n’aime pas tellement sauf quand je la croise au centre d’une paire d’yeux. Lorsque j’étais petit, les enfants que nous étions disaient que c’étaient des yeux de vipères; Je crois que c’était surtout pour la rime. Dans ces jeux d’enfants j’avais les yeux d’amoureux. Les ai-je encore aujourd’hui ?

Je pense que oui.

Je pense que oui et c’est tant mieux.

Je veux toujours aimer, et sourire, et ouvrir mes bras à qui voudra s’y blottir tant que le coeur m’en dit. Et si le coeur t’en dit et que mes yeux semblent te regarder, n’aies pas peur car ils ne se transformeront pas en gouffre. Ils ne changeront pas de couleur.

Ils ne changeront pas de couleurs.

 

erwantoutcourt.

(19 Mai 2015)